Sans cette triste information, mon intervention critique me semblait inachevée, je la reprends ci-dessous, ainsi complétée. On trouvera d’autres éléments biographiques sur Thierry Tremblay sur le site des Météores : ici.
Reprise : L’énigme de la première fois
Comme, c’est le titre. Oblong et grand format, sauvagement coloré comme un album dont il a l’apparence, pour accueillir un texte qu’on qualifiera d’emblée, dès les premières pages lues, de luxuriant. Mais c’est bien un livre de poésie. Une de ses fortes surprises réservées par les récents services de presse qui continuent de m’arriver nombreux (trop, je ne pourrai jamais tout lire, autant que cela se sache. Je le déplore. Mais je ne vois guère comment canaliser ce flux, ni accélérer mon temps de lecture... !), en provenance, pour celui-ci, des Météores, maison, - ou plutôt cabane, pour rester dans le ton de sa présentation - lointainement référencée dans ces Itinéraires de Délestage, en 2017 et 2018, autour des livres de Jean-Pierre Parragio et Julien Stark (voir l’I.D n° 790), auquel je dois que ce livre me soit adressé.
Comme donc, selon la couverture. Ou : plus explicite, Comme / aux commencements, d’après une des pages de faux-titre. Premier livre de poésie de Thierry Tremblay, essayiste et philosophe, spécialiste de l’œuvre de Pierre Klossowski [1]. Le nom de l’illustrateur, dont le primitivisme fait cependant beaucoup pour la séduction immédiate de l’ouvrage, est relégué, on ne sait pourquoi, petitement dans les derniers feuillets : Theodor Tremblay [2]
Il y aurait à écrire la longue histoire des poètes saisis par le vertige des commencements, tentés de rivaliser avec le récit de la genèse, de réussir une nouvelle fois ce tour de force qui consiste à partir de rien pour arriver à quelque chose, dans ce qui est à la fois récit de la création du monde, - d’un monde – et récit de la création du poème.
Il y eut comme un éclat de lumière. C’était imperceptible, puissamment initialement imperceptible.
Rien n’était que le Rien. Éblouissant.
Et dans le rien circonscrit du Rien immense se logèrent les riens, innombrables, petits (probablement), innombrablement imperceptibles (petits), mais comme, comme s’empilant rien sur riens.
Des commencements sans relâche, écrit Thierry Tremblay qui mène cette quête avec une incomparable vigueur, bien tempérée par l’humour : inspiré, irrespectueux, grandiose. Et les origines se multiplient en effet : tout à tour celle du doute, de la mélancolie et de la pluie. Celle de la musique et celle de la fenêtre. Et la Terre fut inventée. (Introduire un concombre dans les commencements). Puis … (et l’occasion de citer un poème en son intégralité), bien sûr, inévitable (fatalement) :
Vint le jour où le singe en avait assez, assez de lui-même, assez de lui-même et de ses semblables, il avait largement fait le tour de sa primitivité, il ne voulait plus encore et toujours descendre mais une fois pour toutes remonter. Et vite. Las, il se fit homme, créature ingrate et redressée. Qui ne prétend que « descendre », qui sait si mal y remonter ; qui prêtent en descendre quand il faudrait remonter.
Celui qui prend son singe à rebrousse-poil.
Ainsi fut-il difficile d’expliquer clairement aux poissons la vie des oiseaux, ainsi advinrent les poissons volants, qui semèrent la confusion chez les volatiles.
Singe ascendant, prends le fruit de l’arbre
*
Vint l’homme, donc.
Et ce qui s’en suivit, on connait un peu mieux que ce qui précéda.Quelle histoire ! Enfin quelles histoires ! / Merveilleux / Faire le Tour du Monde pour un Clou de Girofle. Thierry Tremblay s’en donne à cœur joie, dans l’évocation de ce qui est l’objet de ce poème :
Du commencement de l’univers, du commencement de la vie, du commencement de l’homme (de la femme).
Dès lors :
La compréhension des commencements aboutit à une scène primitive : un mâle, une femelle, un contact : frottement furtif et sécrétion progressive de quelques liquides rares…
Mais je ne saurais à mon tour reprendre le cycle, et ce qui s’en suit. Encore qu’il ne soit pas certain que ce qui s’en suit intéresse prioritairement l’auteur, l’investigateur comme il est dit, quand davantage, et il y revient sans cesse, l’intéresse sur ce qu’il y a avant le commencement.
Espace sans espace
Silence sans silence
Principe sans principe
Retrait sans retrait
Vide sans vide
Rien sans rien.
C’est fascinant. (Comme ce livre).