I.D n° 554 : Retour à Lampedusa

publié le 27 mars 2015 , par Claude Vercey dans Accueil> Les I.D

 
 

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La Nouvelle revue moderne, dans son numéro 35, nous avait permis de découvrir les proses de Géraldine Serbourdin (voir l’I.D n° 543). La réception d’inédits, non suscités cette fois par les images et collages de Philippe Lemaire, confirme l’intérêt de cette voix nouvelle, même lorsqu’elle se penche sur des sujets d’actualité, comme les tragédies de Lampedusa, où à son tour elle nous entraîne, à l’instar du Bleu naufrage de Denis Heudré, qui faisait il y a peu l’objet de l’I.D n° 552

Sur la page échoués

Mon corps est leur tombeau vidé de leurs dépouilles, exsangue contenant qui déborde de leurs cris à la mer qui les avale, qui en regorge et les vomit. Leurs corps engloutis peuplent ma nuit et habillent mes mots devenus creux, inutiles. Mes mots d’ici loin de leurs ténèbres, de leurs secousses, de leurs marées. Sans plus aucun sens, vraiment.

Des mots déshabillés, désincarnés.

Des mots qui ont la peau sur les os. Et leurs yeux pour pleurer.

Des mots qui partent en vrille, qui sont emportés par les courants hostiles, les idées noires.

La page se brouille de membres noyés, d’épaves grouillantes, de bras enchevêtrés dans la mémoire coupable.

La page, enfant, était nue, propre et lisse.

La page prend le temps de s’écrire dans le silence mais se tend de tous les rêves arrêtés. Se froisse et se tait.

Vaine étendue de pâle blancheur.

Les nuits sont noires de ce monde qui s’en va, de ces gens qui traversent mon corps et la mer clandestine, inconnue, large et en colère, vaste et sévère, les vagues se heurtent à la peau comme des draps qui se rebellent. Du sable qui pique aux yeux, des néons qui aveuglent. Des fils de fer barbelés qui rappellent des heures en uniforme.

Mon corps est malade des blessures exilées, les enfants parqués là sont les miens plus encore que celui que naguère a abrité mon ventre, aujourd’hui mon étranger, mon sang.

Loin du souffle de leurs bouches que reçoit la mer complice et traîtresse, calme avant le chaos, je recrache ce qu’elle vomit. Des masses de chair gonflée d’eau salée qui vont faire des phrases, qui vont soulager des âmes, qui vont construire des châteaux ça et là, et réjouir des poètes.

(Mercredi 24 Décembre, 15h57)


Repères  : Sur Géraldine Serbourdin : La Nouvelle Revue moderne n° 35 : Sur un Canapé d’encre. Consulter l’I.D n° 543.
On pourra entendre des textes de G. Serbourdin, lus par trois comédiens, samedi 4 Avril 2015, à 16h, à la librairie Dialogues Théâtre 34, rue de la Clef, à Lille. Consulter : www.dialoguestheatre.fr

Depuis l’I.D552, Denis Heudré a obtenu le prix Paul Quéré.

Voix Nouvelles : Jean-Luc Coudray ( I.D n° 547) ; Mathilde Vischère (I.D n° 545) ; Igor Quez-Perron (I.D n° 541) et dans les Repérages  : Albertine Benedetto.

 

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