A propos de Jules Mougin, un bout de lettre de Claude Billon (du 5 Juin 2008) : Tu connais ma grande attention pour Jules, l’ai eu au téléphone, quand la famille lui fait quitter la maison de retirance (le dimanche s’il fait beau, un autre jour quand le dimanche, il pleut). Tout cas la cure de luminothérapie dans le Sud lui est salutaire, en chaise roulante il y a un an chez lui, à Chemellier, debout et dignement debout depuis son retour dans le bas de la France …) M’y suis rendu en Mars pour ses 96 ans … Nouvelle vadrouille sans doute et j’espère, ce mois-ci !
Page d’écriture
de Jules Mougin
Bonjour, Messieurs,
Moi, ça va, merci et vous ?
Ah oui ! le foin qui fait dire au môme :
« Papa fume bien, lui, alors ! »
C’est à quatorze ans que j’allumais
ma première pipe.
Je préférais les couloirs, les pas éclairés,
les mal fréquentés.
Je fumais des roulées.
J’étais télé, rue Dupin. Moi, matricule 1809.
Quand j’ouvrais la porte, je tendais
le pneu, la brème, - la porte se refermait
ou une voix disait : « Attends ».
Plus il y avait d’attends, plus j’étais
riche et plus j’achetais de cigarettes,
de poudignes – gâteaux-pavés, de kilos
de graines pour les piafs jaunes bien aimés.
C’est dans les couloirs que j’ai appris
à avaler la fumée et à la projeter
par le nez.
La chatouille passait vite ou allait
jusqu’aux larmes. C’était drôle.
Cela dépendait de l'odeur du tabac,
le blond, le noir, le bleu ou le gris.
A 18 ans, je cessais de crâner, merde,
je crachais le sang, comme mon papa, jadis !
Le Toubib : « pas baiser, pas fumer,
bouffer. Compris ? »
Trois ans après, juste, je remettais ça.
A bas la mort et les B.K, n’est-ce pas ?
Cinquante ans après, c’est pas pour
dire, je vis toujours parmi vous.
J’en ai vu de belles, je ne vais pas,
non, vous raconter ma vie, rassurez-vous.
Je ne fume plus.
Le 26 novembre 1969, à Chemellier,
j’ai écouté la grande voix silencieuse dont
parle Gandhi, la Grande Ame.
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