publié le 10 avril 2025 , par dans Accueil> Repérage
Ce qui est intéressant dès l’orée du recueil, c’est le titre-drapeau. Ce n’est pas une reprise d’un titre déjà paru, tiré de la bibliographie. Il est original. Même s’il s’apparente au tout dernier recueil paru simultanément au Castor Astral intitulé : « Ces traces de nous ».
Avec ce pronom personnel, inédit en titre jusques là, qui fait écho bien entendu à « nos ». Et l’on entend parfaitement dans cette insistance, dans le redoublement, qu’il s’agit à la fois d’un nous privé, à savoir lui-même et ses tout proches, qu’un nous plus collectif, plus général où chacun de ses lecteurs peut se sentir concerné, car tout le monde a ressenti plus ou moins la même chose dans le moindre détail. Et c’est tout l’art de François de Cornière de nous acheminer doucement de choses toutes simples, quotidiennes et banales à ces moments intenses d’embrasement et d’émotion, tout en nous faisant prendre conscience de nos gestes et de nos actes, mine de rien.
En outre, l’auteur a voulu faire montre de ces deux plumes, celle du poète d’abord, - rappelons qu’il a été un compagnon de la revue Décharge de manière régulière à partir du n° 150 jusqu’à devenir un collaborateur indispensableà partir du n° 178 (juin 2018) jusqu’à l’arrêt de la publication. Et ensuite celle du prosateur, du nouvelliste. L’angle est un peu différent, comme un photographe, habitué aux prises de vue cadrées, qui ferait de petits films avec des plans travellings comme dans « la Maison de la presse » où la description fait l’inventaire de tout ce qui est présenté et pendu dans le magasin. Apparaissent dans cette manière plus déliée d’autres aspects de l’auteur avec par exemple le côté sportif (tennis et football) et aussi un peu de fiction avec des personnages réels ou non.
Pour la majeure partie, l’on remonte les recueils et relit des poèmes qu’on n’avait pas relus depuis des années ; on les retrouve et on les reconnaît pour la plupart et l’on est saisi du même petit pincement au cœur qu’on avait ressenti la première fois, il y a plus ou moins longtemps.
Il y a les changements de lieux, l’importance des endroits (l’Ardèche, Genève, la Crète, Caen…), les enfants qui grandissent. Les poèmes de l’eau bien sûr, mais aussi les poèmes de voiture. Assis au volant, on pense, entre la pluie devant et la radio. - Importance de la musique en particulier, et des odeurs aussi ; à l’inverse peu de références picturales (si ce n’est Hopper, qui correspond bien) ou cinématographiques. Et le temps qui passe, que le poète essaie de prendre dans ses filets d’encre. Les titres aussi, j’y reviens, ils peuvent être comme un leitmotiv dans le poème mais aussi comme un couronnement propre et net dès l’ouverture, et la page entière en découlera comme la rivière d’une source.
Et puis l’amour, la tendresse qui fait coucou comme ça, en passant, mais ça fait du bien. Il y a aussi les malheurs de la vie, les épreuves endurées qui brisent le cœur. Et les poèmes qui permettent un peu de remonter la pente, malgré tout.
Les thèmes majeurs se mélangent : l’avenir, la mémoire, l’oubli, le passé… Le poète aborde la question du temps sans relâche. Il sait que ses poèmes tendent à l’éclairer un instant sous un aspect ou sous un autre. Des interrogations qu’il essaie de résoudre.
Ce ne sont pas de grands poèmes
mes petits vers.
Tout au plus des impressions
que j’ai du fond de moi
laissées venir sur du papier…
C’est ce qui fait la grandeur de sa poésie face à la vie, cette simplicité, cette humilité, et de son écriture sans excès ni prétention. Pour une fois on pourrait dire : « la poésie, je comprends tout ! »
Raison pour laquelle il sait si bien écrire
cette terrible douceur de vivre
11,95 €. 57, rue Gaston Tessier - 75019 Paris.