Depuis lors, l’entretien reste accessible en podcast : ici. L’autoportrait que livre Samuel Martin-Boche, en réponse aux sollicitations de l’interviewer, vient à propos compléter la première évaluation critique de son recueil, que je signalais dans le Repérage précédent (du 7 juin). Premier recueil, y insiste Patrice Maltaverne, sur son blog poésiechroniquetamalle, et dont je reproduis à la suite les principaux extraits. Voilà, peut-on songer, un jeune auteur bien embarqué !
Rappelons que parallèlement, sur ce même site, était également fait écho au livre d’Orianne Papin : Poste Restante ( voir le Repérage du 7 juin), polder n° 185.
Le point de vue de Patrice Maltaverne
Premier recueil édité de Samuel Martin-Boche, publié dans la collection Polder de la revue Décharge, « La ballade de Ridgeway Street » est une évocation des souvenirs d’études de l’auteur en Irlande.
Dit comme ça, ça ne semble pas très excitant, si je puis dire. mais la référence à une période de la vie de l’auteur (début de ce vingt et unième siècle ?) est loin d’être la plus importante ici Ce qui l’est, par contre, c’est l’évocation d’un pays, l’Irlande, que Samuel Martin-Boche a eu le temps d’apprendre à connaître bien, en le sillonnant. D’ailleurs, tous les poèmes renvoient à un lieu précis.
Et plus encore, ce qui est important, c’est de traduire en mots ce qui fait l’âme de l’Irlande. Ce mélange de pluie, de vent, de brouillard, de métal rouillé. Toute une collection de sensations plutôt désagréables qui, contre toute attente, finissent par provoquer l’attachement pour ces lieux qui s’empare de soi. Un rêve de pureté, peut-être, qui s’allie à une soif de liberté plus certaine. Un pays idéal pour un jeune aventurier.
L’auteur dans son imperméable, évoqué au détour d’un poème, m’évoque l’image d’un Corto Maltese.
Dans ses poèmes, Samuel Martin-Boche, par la minutie de ses souvenirs, par cette manière de retrancher en accumulant les détails vers à vers, parvient à restituer l’esprit de l’Irlande. […] [1]
La préface est de Valérie Rouzeau. La première de couverture de Jean-Louis Magnet.
Poème du mois
Après Poste restante, d’Orianne Papin, polder n° 185 distingué comme Livre du mois sur la Toile de l’Un, c’est Fleurs du Donegal, poème extrait de La ballade de Ridgeway Street, de Samuel Martin-Boche qui sur le même site est mis à l’honneur, tenu depuis le 15 novembre comme Le poème du mois.. Le poème y est non seulement à lire, mais à entendre, lu par Francis Hourquebie.
Au printemps bruyères aubépines et genêts
sur la lande brune
entonnent un hymne ancien
derrière la voix du vent le long
des murets de pierre sèche éboulés
leurs paroles t’échappent
elles s’éteignent sous les mousses
ou dans les tourbières fragiles
comme ces fleurs de coton qui poussent
à l’aventure joncs ou linaigrettes et
si tu ne t’es pas hasardé à les cueillir ce jour-là
l’air n’en continue pas moins
année après année
de battre la mesure
(Fleurs du Donegal)
« Samuel Martin-Boche : un poète à suivre »
Par ces mots, dont j’ai fait le titre, Michel Lamart conclut la note de lecture qu’il m’a transmise par un courriel, au dernier jour d’août, à la suite de sa lecture de La ballade de Ridgeway Street de Samuel Martin-Boche (polder 186). Je lui laisse la parole.
Quelle part de soi consent-on à abandonner quand on voyage ? La question se pose depuis Homère jusqu’à ce beau recueil de Samuel Martin-Boche publié en Polder aujourd’hui. Le jeune poète se la soumet à soi-même, premier lecteur de son texte, en un procédé qu’Apollinaire a utilisé avec une efficacité qui fait du lecteur le co-auteur de l’ouvrage. La poésie, depuis son origine, a beaucoup voyagé. Au siècle précédent avec Levet, Ségalen, Cendrars, Brauquier, White et tant d’autres... Au nôtre, Jacques Boise (à vérifier dans la collection de plaquettes éditées par la revue À l’Index, dirigée avec talent par Jean-Claude Tardif) reprend cette tradition avec bonheur. Samuel Martin-Boche emboîte le pas de ces poètes avec lesquels il soutient la comparaison sans qu’il ait à en rougir. Le terme de « ballade » renvoie à Wilde. Ballade de la geôle de Reading est une œuvre matricielle en forme de tombe. « Chacun de nous tue ce qu’il aime » assure le grand Oscar. Ici, la mort est suggérée dans les textes où se déploie la « balade » à Belfast (« fantômes », « noms assassinés »). Cet itinéraire sauvé de l’oubli renvoie à la période étudiante de l’auteur. Ce logbook chante la « vie qui a pris le large ». Sans nostalgie. Avec tendresse (cf : cet élégant envoi aux logeurs).
La langue de SMB s’enracine dans la tourbe du poème pour mieux révéler l’âme d’un pays longtemps déchiré : « Le temps de descendre la rue pas un mur peint/ qui ne t’ait couché en joue ».
Ne l’oublions pas : la poésie signe un passage dans l’ordre irréversible du temps. Elle nous situe. Elle tient lieu.
Décidément, comme l’écrit Gil Jouanard à propos du Connemara : « On naît toujours de la dernière pluie. »
Samuel Martin-Boche : un poète à suivre.
« Une fragile et savoureuse densité de vivre »
C’est par ces mots que François Coudray conclut la lettre qu’il nous envoie depuis Montevideo, à propos de Poste restante (une certaine ironie dans ce titre, vu les circonstances, non ?) d’Orianne Papin et de La Ballade de Rigdeway Street, de Samuel Martin-Boche, 185ème et 186ème publication de notre collection Polder. Confinement, fermeture des frontières, suspension des transports aériens ont eu pour conséquence que ces envois ne lui parviennent qu’aujourd’hui, aux derniers jours d’août.
Parole de poète, parole de lecteur, et qui nous importe :
...je sens bien que, si les univers et les écritures d’Orianne Papin et de Samuel Martin-Boche leur sont évidemment propres, ces deux livres me touchent pour des raisons similaires.
Voilà en effet deux voix vagabondes, deux voix en chemin (et ça avance, évidemment à des rythmes différents : ça danse chez Orianne Papin, ça se cambre, prêt à casser, ça s’envole et fuit s’efface ; ça cahin-cahotte davantage avec Samuel Martin-Boche, ça reprend son souffle, ça repart, ça rêve aussi et fuit s’efface). Deux voix qui habitent et pensent le paysage : deux voix rêveuses, souvent douces, et légères, et qui pourtant avec justesse et profondeur, d’images simples et fortes, déchirent l’écran de la réalité à la rencontre du réel (n’est-ce pas là ce qui, pour Jacques Ancet, fonde l’acte poétique ?), ouvrent l’espace, et le temps. Et nous livrent, l’instant de ces images, à leur manière, une fragile et savoureuse densité de vivre (comme si tout ça, un instant justement, faisait sens, et puis s’efface).
François Coudray (Courriel du 23 août 2020)
« Une sensibilité d’une assez exceptionnelle justesse »
Des centaines de recueils de poésie sont édités chaque année, rappelait Jean-Yves Reuzeau en introduction à l’anthologie Nous, avec le poème comme seul courage (cf . : I.D n° 863), en un texte lucide et bien tempéré, qui évitait la déploration habituelle relative à la perpétuation d’un art donné comme toujours en sursis, à la réalité économique certes toujours fragile. La collection Polder, avec ses quatre publications l’an, participe de cette réalité, et le responsable que je suis, peut apporter son témoignage.
La ténacité, que salue Reuzeau et dont font montre les éditeurs, serait vite mise à mal si elle n’était qu’un trait de caractère, si le dit éditeur œuvrait hors d’un environnement bienveillant qui se constitue autour de lui, qui se manifeste en premier lieu par la fidélité de ses abonnés (puisque tel est le parti-pris économique adopté par notre collection), de ses lecteurs - pour porter la réflexion sur un plan plus général. Participent également à cette niche, qui assure la survie du système éditorial, les retours critiques, notes et commentaires, auxquels s’adonnent quelques passionnés, à la fidélité pas moins importante que celles du lecteur (à qui il arrive, notons-le au passage, de franchir le pas, de s’immiscer dans le rôle du critique). Parmi ces vigies, qui donnent à nos minuscules entreprises un surcroit d’existence, Patrice Maltaverne.
Ce n’est pas la première fois, objectera-t-on, qu’est ici reproduite sur le Magnum, à l’occasion de la sortie des Polders, qu’ils soient d’automne ou de printemps, une note prélevée sur l’un des sites de Patrice Maltaverne. Si aujourd’hui je le distingue plus particulièrement, c’est qu’au lieu de placer sur la sellette un des deux livres de la livraison, ce qu’il fait habituellement, il rend compte des deux, en ce dimanche 20 mai (que font les poètes le dimanche interrogè-je dans un précédente réflexion) : de Poste restante, d’Orianne Papin et de La Ballade de Ridgeway Steet, de Samuel Martin-Boche, parus l’un et l’autre à la mi-mai et que j’ai présentés en Repérage le 18.
Aujourd’hui, je m’en tiens à reproduire sa réaction au livre d’Orianne Papin. Un prochain article concernera Samuel Martin-Boche, objet à cette heure d’une actualité supplémentaire.
Le point de vue de Patrice Maltaverne
Premier recueil édité d’Oriane Papin, publié dans la collection Polder de la revue Décharge, « Poste restante » renvoie à une romance d’été vécue entre adolescents, dont la personnalité des protagonistes n’a que peu d’importance. Cette romance pourrait tout aussi bien n’avoir jamais existé. Ou différemment.
L’histoire commence quand tout est fini, ou plutôt, quand rien n’a commencé. Ce tissu de contradictions est là pour décrire du dedans la séparation. Ce que ça produit sur l’âme. Ni plus ni moins. Pas de pleurs ici, que de la distance, mais de l’émotion.
Oriane Papin met ses mots au service de sa sensibilité d’une assez exceptionnelle justesse. C’est clair, net et précis. […] [1]
La préface est de Sylvestre Clancier. L’illustration de la première de couverture de Sophie Belle.
(à suivre)
Repères : Pour lire l’intégralité des articles de Patrice Maltaverne : http://poesiechroniquetamalle.blogspot.com/ . Et on s’apercevra au passage que depuis la mise en ligne de ces articles, est tombé le compte-rendu de Rhône, de Claude Vercey, aux Cahiers de la Passerelle. Je vous en parle dès que possible.
On se procure Poste restante, d’Orianne Papin comme La Ballade de Ridgeway Steet, de Samuel Martin-Boche contre 6€, à l’adresse de la revue Décharge, 11 rue Général Sarrail – 89000 Auxerre, ou à la Boutique, ouverte sur le site : ici.
Il est recommandé de s’abonner à la collection à l’adresse indiquée ci-dessus ou par paypal. Tout renseignement en cliquer sur l’onglet S’abonner : ici.
Polder 186
Couverture : Jean-Louis Magnet
Préface : Valérie Rouzeau : Ivre de vivre. Extrait :
La ballade que l’on va lire tient beaucoup de la rêverie au sens bachelardien du terme, convoque les paysages d’une Irlande aimée du poète alors étudiant à Belfast, emporté dans le tourbillon de sa vie, de la vie.
La nuit au printemps s’engouffrait dans ta
chambre
avec la forêt de Castle Park
à travers la lucarne…
Une parole ici nous est envoyée, qui déborde barbelés et gueules de bois, parole nature et culture à la fois. Authentique.
En savoir plus : Lire Voix nouvelle : Samuel Martin-Boche, en Repérage du 14 novembre 2019.